Mots circulaires
(publications)
Un
mot circulaire (sous-entendu :
pointé)
sur un alphabet donné est un mot fini dont les $\ell$ lettres
sont indexées par $\mathbb{Z}/\ell\mathbb{Z}$ (et non
$\{0,\ldots, \ell-1\}$ comme pour un simple mot fini). On le
note $\widetilde{W}=\widetilde{w_0\ldots w_{\ell-1}}$ pour le
distinguer du mot fini ordinaire $W=w_0\ldots w_{\ell-1}$. Cette
notion semble avoir été introduite pour la première fois dans un
article cosigné avec
Laurent
Vivier (LDAR, université Paris-Diderot), à l'origine pour
étudier une généralisation des nombres $p$-adiques à des
systèmes de numération alternatifs à celui de la base $p$ (ainsi
que des questions de dynamique substitutive).
En-dehors d'
applications en didactique des
mathématiques, la structure algébrique des mots
circulaires sur $\{0,\ldots, b-1\}$ (où $b\geq 2$ est un entier)
est sans mystère : il s'agit simplement du groupe additif
$\mathbb{Z}/(b^\ell-1)\mathbb{Z}$. Les choses sont plus
intéressantes lorsqu'on se place dans un cadre combinatoire plus
général. Par exemple, identifions les mots circulaires selon la
règle de Fibonacci, c'est-à-dire que tout facteur de
$\widetilde{W}$ composé des trois lettres $abc$ peut être
remplacé par $(a-1)(b-1)(c+1)$ sans changer la classe
d'équivalence du nouveau mot circulaire ainsi obtenu (mais on
peut imaginer des règles plus générales). Par exemple, on a
$\widetilde{01100}=\widetilde{00010}$, ainsi que (en vertu de la
structure circulaire) $\widetilde{100001}=\widetilde{010000}$.
On peut alors montrer le résultat fondamental suivant (à
quelques identifications près) :
l'ensemble $G_\ell$ des
classes de mots circulaires à $\ell$ lettres est un groupe
abélien fini que l'on peut décrire explicitement. Par
exemple, pour $\ell=2m$, l'ordre $c_m$ du groupe décrit
la suite A004146 de
l'encyclopédie de Sloane ($1$, $5$, $16$, $45$, $121$,
$320\ldots$). Plus précisément, selon la parité de $m$, $c_m$
est soit de la forme $d_m^2$, soit de la forme $5d_m^2$, et
$G_{2m}$ est isomorphe à $(\mathbb{Z}/d_m\mathbb{Z})^2$ ou à
$(\mathbb{Z}/d_m\mathbb{Z})\times(\mathbb{Z}/5d_m\mathbb{Z})$
selon le cas. La suite A004146 est connue, elle donne le nombre
d'arbres couvrants de la
$m$-roue (c'est-à-dire le
graphe composé des $m+1$ sommets $c$, $s_0$, $\ldots$,
$s_{m-1}$, où les $s_i$ forment un cycle et où le sommet $c$, le
centre, est relié à chaque $s_i$ par une arête), ce qui
fournit une interprétation combinatoire des classes de mots
circulaires.
Voici trois applications des mots circulaires
:
- une démonstration nouvelle de la relation classique
$\mbox{pgcd}(F_i,F_j)=F_{\mbox{pgcd}}(i,j)},$ où $(F_i)_i$
est la suite de Fibonacci. Il se trouve que la suite
$(c_m)_m$ s'exprime facilement à l'aide de $(F_i)_i$. La
relation précédente est alors une conséquence très immédiate
de l'existence, pour tout entier $d$, du morphisme injectif
de groupes $G_{\ell}\longmapstoG_{d\ell}$ qui à tout mot
circulaire $\widetilde{W}$ associe $\widetilde{W^d}$ (où
$W^d$ désigne la concaténation de $d$ copies de $W$).
- une propriété des préfixes du mot de Fibonacci,
c'est-à-dire du point fixe $M=abaababaabaab\ldots$ de la
substitution $\sigma$ définie sur l'alphabet $\{a,b\}$ par
$\sigma(a)=ab$ et $\sigma(b)=a$. Certaines propriétés des
groupes $G_\ell$ permettent de déterminer des valeurs non
triviales $k$ et $q$ telles que le mot $bM$ s'écrive
$A_1\ldots A_qM'$, où les $q$ mots $A_1$, $\ldots$, $A_q$
sont tous de même longueur $k$ et contiennent tous le même
nombre de $a$ (et donc aussi le même nombre de $b$).
- l'étude algébrique des nombres $F$-adiques, une
structure à l'origine plutôt envisagée (dans un article de
Liardet, Grabner et Tichy) d'un point de vue dynamique. Un
nombre $F$-adique est un mot infini sur l'alphabet $\{0,1\}$
satisfaisant à la condition d'admissibilité de Fibonacci qui
est que le motif $11$ ne se trouve nulle part dans le mot.
On peut voir ces nombres comme une généralisation des
nombres $p$-adiques dans lequel les puissances successives
de l'entier positif $p$ ($p^0$, $p^1$, $p^2$, $p^3$, etc.)
sont remplacées par les termes de la suite de Fibonacci
$F_0=1$, $F_1=2$ et $F_n=F_{n-1}+F_{n-2}$ pour tout $n\geq
2$. L'ensemble $F$ des nombres $F$-adiques possède une
structure naturelle de groupe abélien, sous réserve
d'effectuer les identifications $(01)^\infty=(10)^\infty$ et
$W0(01)^\infty=W10(01)^\infty$ pour tout mot fini admissible
$W$. Il est ensuite naturel de s'intéresser aux rationnels
de l'ensemble $F$, c'est-à-dire aux $F$-adiques $X$ pour
lesquels il existe deux entiers $p$ et $q$ tels que $qX=p$
(en identifiant $p$ au $F$-adique qui en est le
développement en base de Fibonacci). On peut démontrer que,
de même que dans les systèmes de numération classiques des
réels à base entière, un $F$-adique est rationnel si, et
seulement si, il est ultimement périodique. La principale
différence avec le cas réel est que l'équation $qX=p$ a
toujours exactement $q$ solutions (avec éventuellement une
$(q+1)$-ième dans le cas particulier où $q$ divise $p$).
Suites de Fibonacci aléatoires (publications)
Dans sa version classique, une
suite de
Fibonacci aléatoire est une suite définie par la relation
de récurrence $F_{n}=|F_{n-1}\pm F_{n-2}|$ (ou $F_{n}=F_{n-1}\pm
F_{n-2}$), le signe $\pm$ étant aléatoirement fixé pour chaque
$n$ par le résultat du lancer d'une pièce de monnaie. Une
question centrale est de savoir si une telle suite possède un
facteur de croissance. À partir d'un résultat de Harry
Furstenberg, Divakar Viswanath a montré que oui, au sens suivant
: presque toute suite de Fibonacci aléatoire est à croissance
exponentielle de facteur $v=1,1319\ldots$, c'est-à-dire que,
presque sûrement, la suite ${}^n\sqrt{F_n}$ converge vers $v$,
une valeur obtenue comme l'intégrale d'une fraction rationnelle
selon une mesure construite à partir des intervalles de
Stern-Brocot (c'est-à-dire les intervalles de $\mathbb{R}^+$ de
la forme $[a/b,c/d[$, où $a$, $b$, $c$ et $d$ sont des entiers
tels que $ad-bc=-1$).
Une autre façon d'appréhender ces suites
consiste à construire l'arbre binaire dont la racine est
étiquetée par $F_0$, l'unique enfant de la racine par $F_1$, et
tel que tout nœud (sauf la racine) étiqueté $x$ et de parent $y$
possède un enfant gauche étiqueté $|x-y|$ et un enfant droit
étiqueté $x+y$. À toute marche dans l'arbre correspond donc une
suite de Fibonacci aléatoire. On appelle ${\mathbf R}$ le
sous-arbre obtenu en supprimant dans l'arbre tout enfant gauche
d'un enfant gauche (ici, les arêtes verticales désignent les
enfants droits d'enfants gauches, sauf pour les deux premières
arêtes).
Cet arbre permet de produire des résultats
nouveaux sur la croissance des suites de Fibonacci aléatoires.
De plus, il possède quantité de propriétés arithmétiques et
combinatoires intéressantes pour elles-mêmes, la première
d'entre elles est que le nombre d'arêtes sur la ligne $\rho_n$
est donné par le $n$-ième terme de la suite de Fibonacci.
Avec
Thierry de
la Rue et
Élise
Janvresse (LMRS, CNRS, Université de Rouen), une étude
fine de la dynamique du système nous a permis de simplifier les
résultats de Viswanath et de les étendre au cas plus général
d'une pièce de monnaie déséquilibrée. Le résultat principal
consiste en une réecriture de la constante de Viswanath sous la
forme $\int_0^{+\infty}\ln(x)\mbox{d}\mu(x)$, où $\mu$ est une
variante de la mesure donnée par la
question mark de
Minkowski.
Une généralisation naturelle des suites de
Fibonacci aléatoires consiste à considérer une suite de la forme
$F_n:=|\lambda F_{n-1}\pm F_{n-2}|$, où $\lambda$ est un
paramètre fixé (la généralisation $F_n:=|\lambda F_{n-1}\pm \mu
F_{n-2}|$ s'y ramène par un simple changement de variable). Les
techniques employées pour le cas $\lambda=1$ se généralisent de
façon très naturelle lorsque $\lambda$ est de la forme
$\lambda_k:=2\cos(\pi/k)$, où $k\geq 3$ est un entier (les
premières valeurs des $\lambda_k$ sont $\lambda_3=1$,
$\lambda_4=\sqrt{2}$, $\lambda_5=(1+\sqrt{5})/2$ et
$\lambda_6=\sqrt{3}$). En particulier, il existe un équivalent
de l'arbre ${\mathbf R}$ pour chaque $\lambda_k$, et dont la
structure combinatoire est la suivante : c'est le plus gros
arbre binaire ne contenant pas de $(k-1)$-ième enfant gauche (un
$i$-ième enfant gauche étant, par définition, l'enfant gauche
d'un $(i-1)$-ième enfant gauche, un $0$-ième enfant gauche étant
un enfant droit).
L'ensemble des résultats obtenus pour les
suites de Fibonacci aléatoires classiques s'étend à ces nouveaux
cas. Ces derniers correspondent, en géométrie hyperbolique, aux
groupes de Hecke, qui sont les seuls pour lesquels le groupe de
transformations du demi-plan hyperbolique $\mathbb{H}$ engendré
par $z\longmapsto -1/z$ et $z\longmapsto z+\lambda$ est discret.
En théorie des nombres, l'intérêt premier de
l'arbre ${\mathbf R}$ est qu'il constitue un algorithme de
développement en fraction continue des rationnels. L'application
qui à toute arête $(a,b)$ de ${\mathbf R}$ fait correspondre le
rationnel $a/b$ est bijective, et la marche dans l'arbre qui
mène de la racine à cette arête est un codage du développement
en fraction continue de $a/b$. Cet algorithme est
fondamentalement différent des algorithmes classiques, dans la
mesure où au
début de la marche correspond la
fin
du développement en fraction continue.
Cette propriété reste vraie pour l'équivalent
de ${\mathbf R}$ pour les $\lambda_k$-suites de Fibonacci
aléatoires. En notant $\lambda$ pour $\lambda_k$, l'algorithme
donné par l'arbre correspond à un développement en
$\lambda$-fraction
continue, de la forme
$$a_0\lambda+\frac{1}{\displaystyle
a_1\lambda+{\frac{1}{a_2\lambda+\cdots}}},$$
où les $a_i$ sont des entiers (une telle expression est une
fraction
continue de Rosen).
Élargir à d'autres valeurs de $\lambda$ notre
compréhension des suites de Fibonacci aléatoires passe sans
doute par une étude approfondie des $\lambda$-fractions
continues, notamment dans leurs aspects combinatoires. Cette
étude a fait l'objet d'un article qui détaille les propriétés de
la fonction qui met en correspondance les $\lambda$-fractions
continues et les $\beta$-shifts. Ce travail, qui présente un
intérêt propre, est un premier pas pour une étude plus générale
des suites de Fibonacci aléatoires.
Fractions continues (publications)
Le lien entre fractions continues et systèmes
de numération suggère que le point de vue symbolique est fécond
pour étudier les fractions continues. On peut notamment se poser
la question du spectre de Lagrange des $\lambda$-fractions
continues, dont un cas particulier est la recherche du nombre le
moins bien approché par des $\lambda$-fractions continues. Il
est connu que la réponse est le nombre d'or
$\varphi=(1+\sqrt{5})/2$ pour les fractions continues ordinaires
(c'est-à-dire le cas $\lambda=1$). Pour les fractions continues
de Rosen, la réponse a été donnée par Andrew Haas et Caroline
Series, avec le formalisme de la géométrie hyperbolique. Le
point de vue symbolique, qui consiste à représenter un
algorithme de développement en $\lambda_k$-fraction continue par
un arbre $(k-1)$-aire, permet de retrouver ce résultat plus
simplement, et permet probablement de l'étendre à d'autres
valeurs de $\lambda$. Ce point de vue arborescent constitue un
cadre d'une grande généralité, qui permet de traiter
simultanément tous les systèmes de numération reposant sur la
même structure combinatoire. C'est ainsi que l'on démontre
simultanément que le nombre d'or est le moins bien approché par
les nombres rationnels (formalisme des fractions continues
ordinaires), que $1/3$ est le nombre le moins bien approché par
les nombres dyadiques (formalisme de la base $2$), ou encore que
$\mbox{e}$ est le nombre le moins bien approché par les
fractions continues de Engel, etc.
À part dans de rares cas particuliers, peu de
choses sont connues du point de vue algébrique sur les
$\lambda$-fractions continues, même dans le cas des fractions
continues de Rosen. En particulier, on ne sait pas décrire
l'ensemble des $\lambda$-fractions continues finies, ou
périodiques. Une question consiste donc à rechercher des valeurs
de $\lambda$ pour lesquelles on peut espérer trancher. Il est
possible qu'une perspective symbolique sur les
$\lambda$-fractions continues permette de faire des progrès dans
cette direction. En particulier, on peut se poser la question
d'une démonstration combinatoire du théorème de Lagrange (qui
donne l'équivalence $x$ quadratique $\Longleftrightarrow$ le
développement en fraction continue de $x$ est périodique).
Un autre type de question concerne l'
équation
de Markoff, qui est l'équation diophantienne
$a^2+b^2+c^2=3abc$. Cette équation est reliée au spectre de
Markoff pour $\mathbb{Q}$, et une ancienne conjecture affirme
qu'elle n'a qu'une seule solution une fois le plus grand des
trois entiers ($a$, $b$ ou $c$) fixé. Un travail en
collaboration avec Ryuji Abe a consisté à étudier le
"développement en fraction continue" d'éléments de
$\mbox{PSL}(2,\mathbb{Z})$ liés à cette équation et à l'une de
ses généralisations, dite de Vulakh-Schmidt, qui fait intervenir
des matrices de $\mbox{PSL}(2,\mathbb{Z}[\sqrt{2}])$.
Une façon classique de représenter l'ensemble
des triplets de Markoff $(a,b,c)$ consiste à construire un arbre
binaire complet dont les nœuds sont des triplets de matrices de
$\mbox{PSL}(2,\mathbb{Z})$, chaque nœud de l'arbre étant
construit à partir de son parent en multipliant deux de ses
matrices, selon des règles explicites. L'ensemble des triplets
de Markoff s'obtient alors en remplaçant chaque matrice par son
coefficient de la seconde ligne et de la première colonne. La
généralisation proposée par Vulakh consiste à s'intéresser au
système
$$\left\{\begin{array}{rcl} x_1+x_2&= & 2y_1y_2\\
2x_1x_2 &=& y_1^2+y_2^2\end{array}\right..$$
L'intérêt de cette généralisation est que,
alors que l'on déduit des solutions de l'équation de Markoff la
partie discrète du spectre de Markoff pour $\mathbb{Q}$, celles
du système de Vulakh permettent d'étudier la partie discrète du
spectre de Markoff pour $\mathbb{Q}(\mbox{i})$. Il existe
également une structure arborescente pour lister les solutions
de ce système d'équations : c'est l'arbre de Vulakh-Schmidt,
introduit par Abe et Aitchison. Cet arbre est ternaire complet
et ses nœuds sont composés de quadruplets de matrices, dont deux
sont dans $\mbox{PSL}(2,\mathbb{Z})$ et deux sont de déterminant
$1$ et à coefficients dans $\mathbb{Z}\cup\sqrt{2}\mathbb{Z}$.
Dans le cadre de Vulakh-Schmidt, deux caractéristiques des
développements en fraction continue des matrices de
$\mbox{PSL}(2,\mathbb{Z})$ qui apparaissent dans cet arbre sont
remarquables : pour chacune d'elles, les quotients partiels sont
majorés par $3$ et forment une suite (finie) essentiellement
palindromique. Ce résultat fait écho au résultat analogue et
ancien dans le cas de Markoff, où les quotients partiels sont au
plus égaux à $2$ et forment eux aussi des suites palindromiques.
Puisque l'arbre de Vulakh-Schmidt fait
intervenir des matrices à coefficients dans $\mathbb{Z}$ et
$\sqrt{2}\mathbb{Z}$, il est naturel de s'intéresser au
développement en $\sqrt{2}$-fraction continue de ces matrices.
Il apparaît que celui-ci et fini et que, en choisissant un
algorithme adapté de développement, il ne peut contenir que
trois quotients partiels ($\sqrt{2}$, $-\sqrt{2}$ et
$2\sqrt{2}$), répartis selon une structure palindromique
explicite.
Aussi bien pour le cas Markoff que pour le
cas Vulakh-Schmidt, la totalité de l'information contenue dans
un triplet ou quadruplet de matrices de l'arbre peut se
reconstituer à partir des seules
coordonnées de Frobenius
de l'un de ses éléments (les matrices de l'arbre s'obtiennent
toutes à partir de deux matrices initiales, les coordonnées de
Frobenius comptent le nombre de fois que chacune de ces deux
matrices apparaît dans l'expression d'une matrice de l'arbre).
En d'autres termes, l'abélianisation ne fait pas perdre
d'information ; on retrouve cette information à partir d'un
algorithme"inverse" de l'algorithme classique de Stern-Brocot.
Il est connu depuis le XIX${}^\mbox{e}$
siècle et Joseph-Alfred Serret que l'itération de la méthode de
Newton pour le polynôme $x^2-a$ en partant de la partie entière
de $\sqrt{a}$ fournit la sous-suite des réduites de $\sqrt{a}$
indexée par les puissances de $2$. Le phénomène fait écho au
fait que l'ordre de la méthode de Newton est égal à $2$
(autrement dit que la vitesse de convergence est quadratique).
Plus récemment, divers auteurs (Georg Rieger, Takao Komatsu,
Edward Burger) ont obtenu des sous-suites arithmétiques de
réduites de nombres quadratiques en appliquant la méthode de
Newton à des fonctions non polynomiales bien choisies. Une forme
plus générale et plus synthétique de ces résultats peut être
donnée, qui permet de lever diverses hypothèses faites par ces
auteurs et d'englober une vaste classe d'irrationnels
quadratiques pour lesquels on peut, avec la méthode de Newton,
produire des sous-suites arithmétiques de réduites. Il se
trouve, d'autre part, que d'autres schémas numériques produisent
le même type de phénomène que celui observé par Serret. La
méthode de la sécante, par exemple, dont l'ordre de convergence
est égal au nombre d'or, permet de produire des sous-suites de
réduites indexées par une suite de Fibonacci pour une vaste
classe d'irrationnels quadratiques.
Théorie ergodique et équirépartition modulo 1
(publications)
La
disjonction faible est une notion
qui généralise celle de disjonction proposée par Harry
Furstenberg. Deux transformations $S$ et $T$ préservant la
mesure d'un même espace probabilisé $(X,P)$ sont dites
faiblement disjointes lorsque, deux fonctions $f$ et $g$ de
$L^2(X)$ étant données, il existe un pavé de mesure $1$ de
l'espace produit $X\times X$ tel que, pour tout élément $(x,y)$
de ce pavé, les moyennes de Birkhoff
$$\frac{1}{N}\sum_{n<N}(f\otimes g)((T\otimes S)^n(x,y))$$
sont convergentes. La disjonction entraîne la disjonction
faible, mais il existe des exemples de transformations
faiblement disjointes non disjointes. La motivation initiale de
cette définition est qu'elle fournit une condition suffisante
assez générale qui garantit la convergence pour presque tout
$x\in X$ des
moyennes ergodiques diagonales :
$$\frac{1}{N}\sum_{n<N}f(T^nx)\cdot g(S^nx).$$
Le cas où $T$ et $S$ sont des transformations
du tore de dimension $d$ conduit à la théorie de
l'équirépartition modulo $\mathbb{Z}^d$. Il s'agit de savoir de
quelle manière la suite des parties fractionnaires d'une
expression comme $(tP(n)F(n\Theta))_n$ (où $P$ est un polynôme,
$F$ une fonction $\mathbb{Z}^d$-périodique raisonnablement
régulière et $\Theta\in\mathbb{R}^d$) se répartit dans le pavé
$[0,1[^d$, pour presque toute valeur de $t$. Cette question
implique une utilisation fine des propriétés diophantiennes de
$\Theta$ et de la notion de
discrépance. Mes
publications sur la question énoncent en substance que la suite
$(tP(n)F(n\Theta))_n$ ci-dessus est uniformément répartie modulo
$\mathbb{Z}^d$ pour presque toute valeur de $t$. Le cas le plus
facile à traiter (qui faisait l'objet de ma thèse), est celui où
$\Theta$ est de type diophantien fini, c'est-à-dire (en
dimension $1$) qu'il existe une valeur finie $\eta\geq 1$ telle
que, quels que soient les entiers $p$ et $q$, on a
$|\Theta-p/q|\geq 1/q^{1+\eta}$. Lorsque $\Theta$ n'est pas de
type diophantien fini, et/ou lorsque la dimension est plus
grande que $1$, de nombreuses difficultés supplémentaires
surgissent, qui demandent une analyse fine des comportements
asymptotiques de grandeurs diverses.
Parmi les outils centraux de la théorie de
l'équirépartition, l'
inégalité de Koksma indique que
l'écart maximum entre l'intégrale d'une fonction $f$ (définie
sur $[0,1]$) et sa moyenne sur un nombre fini de points $x_0$,
$\ldots$, $x_{N-1}$ se majore ainsi :
$$\left|\int_0^1f(t)\mbox{d}t-\frac{1}{N}\sum_{n<N}f(x_n)\right|\leq
D_N((x_n)_n)\cdot V(f),$$
où $V(f)$ est la variation totale de $f$ et $D_N((x_n)_n)$ la
discrépance-$*$
des $x_i$, qui quantifie le défaut d'uniforme répartition de
$(x_n)_n$ dans l'intervalle $[0,1]$. Une généralisation
intéressante est une version $L^2$ de cette inégalité, dans
l'espace de Banach $O(1/n)$ des fonctions $f$ dont la suite des
coefficients de Fourier est en $O(1/n)$. Cette nouvelle
inégalité de Koksma a pour conséquence une simplification
notable d'un résultat de Mariusz Lemanczyk
et al. sur
les propriétés de mélange pour des flots spéciaux au-dessus de
rotations irrationnelles.
Liste des publications par thème
(voir ici la liste complète de mes publications)
Mots circulaires (présentation)
Benoît Rittaud, "Numeration systems for circular
words and applications to arithmetics" (soumis).
Benoît Rittaud & Laurent Vivier, "The field $\mathbb{Q}$
from the standpoint of circular words and history" (soumis).
Benoît Rittaud, "Structure of Classes of Circular Words
defined by a Quadratic Equivalence", RIMS Kôkyûroku
Bessatsu (à paraître).
Benoît Rittaud & Laurent Vivier, "Does Numerology Allow a
group to have Two Identity Elements?", The American
Mathematical Monthly 119 n°4 (2012), 439.
Benoît Rittaud & Laurent Vivier, "Circular words and three
applications: factors of the Fibonacci word, $F$-adic numbers,
and the sequence 1, 5, 16, 45, 121, 320, $\ldots$, Functiones
et Approximatio 47 n°2 (2012), 207-231.
Benoît Rittaud & Laurent Vivier, "Circular words and
applications", Proceedings 8th International Conference
Words 2011, Prague, 31-36. Lire l'article
Suites de Fibonacci aléatoires (présentation)
Élise Janvresse, Benoît Rittaud & Thierry de la
Rue, "Dynamics of $\lambda$-continued fractions and
$\beta$-shifts", Discrete and Continuous Dynamical Systems
- Series A 33 n°4 (2013), 1477-1498.
Élise Janvresse, Benoît Rittaud & Thierry de la Rue,
"Almost-sure growth rate of generalized random Fibonacci
sequences", Annales de l'Institut Henri Poincaré -
Probabilités et Statistiques 46 n°1 (2010),
135-158.
Élise Janvresse, Benoît Rittaud & Thierry de la Rue,
"Growth rate for the expected value of a generalized random
Fibonacci sequence", Journal of Physics A 42
n°8 (2009), 085005.
Élise Janvresse, Benoît Rittaud & Thierry de la Rue, "How
do random Fibonacci sequences grow?", Probability Theory
and Related Fields 142 n°3-4 (2008), 619-648.
Benoît Rittaud, "On the average growth of random Fibonacci
sequences", Journal of Integer Sequences 10
(2007), Article 07.2.4. Lire
l'article
Fractions continues (présentation)
Benoît Rittaud, "Medietic numeration systems and
combinatorics of Rosen continued fractions", en préparation
pour le second volume de CANT: Combinatorics, Automata and
Number Theory.
Ryuji Abe & Benoît Rittaud, "Combinatorics on Words of
Markoff's Spectrum for $\mathbb{Q}$ (soumis).
Ryuji Abe & Benoît Rittaud, "Combinatorics on Words of
Markoff's Spectrum for $\mathbb{Q}(\mbox{i})$" (soumis).
Benoît Rittaud, "De la Grande année aux suites de Kronecker",
Qu'est-ce qu'un nombre au hasard ? Journ\'ee annuelle 2011
de la Société Math\'ematique de France, SMF (2011).
Benoît Rittaud, "On subsequences of convergents to a quadratic
irrational given by some numerical schemes", Journal de
Théorie des Nombres de Bordeaux 22 n°2
(2010), 449-474.
Ryuji Abe & Benoît Rittaud, "Quasi-palindromy of elements
of $\mbox{PSL}(2, \mathbb{Z})$ associated to the Markoff
spectrum, WORDS 2007, Proceedings of the 6th International
Conference on Words (Pierre Arnoux, Nicolas Bédaride &
Julien Casseigne éds.), 7-17.
Théorie ergodique et équirépartition modulo 1 (présentation)
Benoît Rittaud, "A Koksma's inequality in $O(1/n)$
and a consequence for the mixing property of special flows", (soumis).
Benoît Rittaud, "Équidistribution presque partout modulo 1 de
suites oscillantes perturbées - III - Cas liouvillien
multidimensionnel", Journal of Number Theory 122
n°2 (2007), 261-282.
Benoît Rittaud, "Équidistribution presque partout modulo 1 de
suites oscillantes perturbées - II - Cas liouvillien
unidimensionnel", Colloquium Mathematicum 96
n°1 (2003), 55-73.
Emmanuel Lesigne, Benoît Rittaud & Thierry de la Rue,
"Weak disjointness of measure-preserving dynamical systems", Ergodic
Theory and Dynamical Systems 23 n°4 (2003),
1173-1198.
Benoît Rittaud, "Équidistribution presque partout modulo 1 de
suites oscillantes perturbées", Bulletin de la
Société Mathématique de France 128 n°3 (2000),
451-471.
Benoît Rittaud, "Équidistribution presque partout modulo $1$
de suites oscillantes", Comptes Rendus de l'Académie des
Sciences Paris Série I - Mathématiques 327
n°4 (1998), 339-342.
Thèse, habilitation
Manuscrit de ma thèse soutenue en janvier 1999 (dir.
Emmanuel
Lesigne, LMPT, CNRS, Université de Tours).
Manuscrit de mon habilitation à diriger des recherches
soutenue en décembre 2008 à l'université Paris-13.
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